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L'industrie soviétique est souvent mal connue, voir inconnue. Tout le monde connait les Zenit, Helios ou Jupiter. Mais l'idée que cette industrie ne doit son existence que grâce à la copie de technologies occidentales (Zeiss et Leica) circule encore beaucoup sur internet.
C'est pourquoi j'ai décidé de rédiger ce petit précis d'histoire, qui, je l'espère, permettra à chacun de se faire une idée plus précise de la richesse de la production optique soviétique, et de manière générale, d'en connaître un peu plus sur cette aventure industrielle de 72 ans...



A] La période d'avant-guerre (1917-1941)

Repères chronologiques :
1917--Révolution Bolchévique
1918-1922--Guerre civile en Ukraine, Biélorussie et sud de la Russie
1922-- Création de l'URSS
1924-- Mort de Lénine
1927-- Le pouvoir limite puis interdit l'importation de matériel photo étranger
1931-1933--Grande famine en Ukraine et Biélorussie
1939-- Pacte de non-agression Germano-soviétique
1941-- Entrée en guerre de l'URSS contre l'Allemagne Nazi 

La photographie dans le monde :
1925-- Leica-I
1932-- Leica-II et Contax-I de Zeiss
1935-- Canon
1936-- Contax-II
1937-- Praktiflex de Praktica

La révolution d'octobre a sonné le glas de la monarchie, tout en intensifiant une politique d'industrialisation. Alors que jusqu'ici, les opticiens russes étaient relativement discrets (on note quelques créations d'ateliers indépendants), les bolchevik décident la création de l'Institut Optique d’État (GOI), qui sera d'une certaine façon le "cerveau" de l'industrie optique (au moins jusqu'aux années 70). On y calculera des formules optiques et fabriquera les premiers prototypes d'objectifs avant la production en série. Mais en 1918, on en est encore loin...

Le premier appareil photographique soviétique produit en usine sera le FOTO-GOZ (Leningrad), produit en 1925 par l'usine GOZ (Usine Optique d’État). C'est le premier appareil utilisant du film 35mm perforé. Il s'agit cependant d'un appareil demi-format 18x24mm folding équipé d'un objectif 60mm ouvrant à f2.

Foto-Goz /Source : fotolyap.ru


Il faudra attendre la toute fin des années 20 pour voir la création des premières communes de travail, dont celle de FED à Kharkov (Ukraine) en 1927. Cette dernière est une commune de travaille pour enfants dirigée par Anton Makarenko (écrivain et éducateur). Le nom de la commune rend hommage à Felix Edmundovich Dzerjinski, fondateur de la Tchéka. En 1932, ce sont 300 enfants qui y travaillent, puis 600 en 1935.


Plaquette commémorative à la mémoire de Felix Dzerjinski, dans l'usine FED / Source : photohistory.ru

Jusqu'en 1932, ils n'y fabriquent que des perceuses, mais durant cette année charnière, on planifie la construction d'un appareil de type Leica. A la fin de l'année, 3 appareils, copies exactes de Leica I, sont assemblés. C'est seulement en 1933 qu'ils se lancent dans la préparation de la production en série (nouveaux bâtiments, machines, etc... aidés par le GOI), et début 1934 sortent de l'usine les premiers FED 1 !

FED 1 / Source : Photohistory.ru

Pour la petite histoire, en même temps, à Moscou, l'entreprise Geodesiya a également réalisé une copie du même Leica, le FAG, équipé d'objectifs 50mm/3.5 fabriqués dans l'usine VOOMP (ancêtre de LOMO) de Leningrad. Malheureusement pour eux, la production ne dépassera pas les 100 exemplaires et l'usine tombera dans l'oubli.

FAG / Source : fotolyap.ru

En 1937, on note le début de la production par GOZ (conçu par le GOI) du FotoSniper (FS-1 et surtout FS-2), ensemble photographique comprenant un FED 1, une cage reflex et un objectif GOI 30cm/4.5 (autrement dit, un Tair-2, ancêtre du commun Tair-3). Cet ensemble n'était livré qu'à l'armée.



B] L'industrie optique en temps de guerre (1941-1945)

Repères chronologiques :
1941-- Siège de Leningrad (septembre), Bataille de Moscou (décembre)
1942-- Bataille de Leningrad
1943-- Défaite des Nazis à Stalingrad
1945-- Capitulation de l'Allemagne Nazie, l'URSS compte ses morts. 

La photographie dans le monde :
1944-- Création du Duflex à Budapest (premier SLR)

Début 1941, les Nazis investissent les terres soviétiques, on déménage en 1941 et 1942 pas moins de 1360 usines vers l'Oural et la Sibérie. La plupart des usines seront reconverties dans la production de matériel militaire (y compris photo). Les usines d'Ukraine (dont FED) et de Leningrad (dont GOZ) font parti du lot.
Au début 1941, en banlieue de Moscou, on s'attèle à construire ce qui deviendra le plus important complexe de matériel optico-mécanique au monde : KMZ ! L'atelier de produits optiques sera installé dans une ancienne usine de faïence...avant d'être évacué comme tout le monde vers l'Oural).
En novembre 1941, les allemands arrivent à deux pas de l'usine vide, mais une contre-offensive  soviétique (en décembre) va les repousser à 250km de là.
Au cours de l'année 1942, les Allemands sont désormais loin de Moscou, et on rappelle ainsi quelques entreprises, dont KMZ. C'est d'ailleurs à ce moment là qu'on l'officialise.
Leningrad est assiégée, le GOI et la GOMZ (nouveau nom pour GOZ) ne produisent plus rien, et FED, déplacé à Berdsk, produit des pièces d'avions.
Pourtant, l'armée a besoin de matériel optique, tels que des jumelles des viseurs, etc... C'est KMZ qui va hériter de la production de ces choses là. En 1943, l'armée rouge émet un besoin pressant de FS-2. Or, Leningrad n'en fabrique évidement plus. C'est ainsi que KMZ va produire ses propres FS-2 durant les années 43 à 45, grâce à l'aide d'ingénieurs de FED réquisitionnés.

FS-2 de chez KMZ / Source : Zenitcamera.com


En Mai 1945, l'Allemagne capitule. Les usines allemandes encore en état sont purement et simplement démontées. On emporte aussi les ingénieurs (en un seul morceau). C'est une véritable course entre les Russes et les Américains. On cherche les spécialistes de l'optique, de l'armement, mais aussi de l'espace...
Une quantité astronomique de convois ferroviaires stationnent à Moscou, remplis de trésors de guerre (aujourd'hui, c'est les camions peints en blanc qui s'occupent de déménager des usines...).

On partage le butin, les objectif Zeiss Biotar (BTK) et Sonnar (ZK) restent à Moscou, ainsi que les Zeiss-IKON, pour KMZ. Les Contax vont à Kiev pour une usine qui fabriquera désormais les KIEV : l'usine Arsenal. Elle s'occupait auparavant de production de matériel de guerre. Une bonne base pour une industrie encore naissante.

BTK soviétique / Source : photohistory.ru

ZK (Jupiter-8) soviétique / Source : photohistory.ru


A noter que les soviétiques n'ont pas "découvert" la formule Biotar (6 éléments en 4 groupes) grâce aux Biotar récupérés ; ils avaient déjà calculé la formule dans les années 30 pour des objectifs de cinéma.



C] L'âge d'or (1946 - 1970)

Repères chronologiques :
1946-- Bombes atomiques américaines sur Hiroshima et Nagasaki
1950-- Guerre de Corée
1953-- Mort de Staline
1957-- Lancement de Sputnik, premier satellite artificiel.
1958-- Exposition universelle de Bruxelles
1961-- Yuri Gagarine, premier homme dans l'espace (avril), le Mur de Berlin est érigé en une nuit (août), la "Tsar Bomba" soviétique (bombe H) explose, il s'agit de la plus puissante bombe jamais fabriquée par l'Homme (3125 plus puissante (!) que Little Boy utilisée par les USA au Japon)
1962-- Histoire de missiles à Cuba...

La photographie dans le monde :
1948-- Hasselblad 1600F
1949-- Polaroïd
1950-- Contax IIa
1951-- Contax IIIa
1953-- Contaflex
1956-- Praktisix
1963-- Topcon RE Super
1967-- Konica AutoReflex
1969-- Praktica LLC

L'industrie optique devient un secteur valorisant, et on veut en faire une vitrine de la réussite du réalisme soviétique.

En 1946, KMZ lance la production du Moskva à partir de pièces de Zeiss Ikonta. Suivront les Moskva 2, 3, 4, 5 et 6.

Moskva-1 / Source : photohistory.ru


A Kiev, on lance les premiers Kiev, conçus dans un premier temps grâce aux pièces des Zeiss Contax. Les objectifs sont encore fournis par KMZ. Au bout de 2 ou 3 ans, Kiev produit entièrement les appareils, en les améliorant. Ils produisent leurs propres optiques à partir de la fin des années 50.

Kiev-2 / Source : photohistory.ru

 Mais contrairement à ce qu'on peut facilement croire, les soviétiques, à cette époque, ne font pas que dans la "copie".
Du côté du GOI, on travaille dès 1948 sur un appareil inédit : le Leningrad, un appareil photo à télémètre produit en petite série jusqu'en 1968. Il remporte en 1958 un grand prix à l'exposition universelle de Bruxelles. Malgré une distribution en Europe et aux États-Unis, il est de nos jours assez rare à trouver.

Leningrad / Source : Princelle


Chez KMZ, on commence à construire des FED (sans doute quelques ingénieurs FED, réquisitionnés pendant la guerre, on été invité à rester encore un peu), qui prendront le nom de Zorki. Alors que les FED sont équipés d'objectifs FED 50mm/3.5 rétractables (et dans de plus rare cas, de 50mm/2 ou de 100mm/6.3), du côté de chez KMZ, on opte rapidement pour des Indutar-22 et 50 rigides, tout en proposant des objectifs plus "haut de gamme" : Jupiter-8 50mm/2, Jupiter-9 85mm/2, Jupiter-11 135mm/4, Jupiter-12 35mm/2.8 et le magnifique Jupiter-3 50mm/1.5 .Si les Jupiter-8 ont été fabriqués du début à la fin à KMZ, les autres ont été construits par des usines annexes (J-11 à KOMZ de Kazan, J-9 et J-12 à LZOS de Litkarino et J-3 à ZOMZ de Zagorsk).

Zorki 1 avec un I-22 rigide / Source : photohistory.ru


A partir de 1952, KMZ développe aussi sur base de Zorki un appareil photo reflex : Le Zenit ! (le fameux)
Le premier Zenit est un Zorki auquel on a greffé une cage reflex. Le pas de vis 39mm est le même, mais le tirage mécanique est différent (proche du M42). Il faudra attendre l'arrivée du Zenit-E pour voir KMZ passer à la célèbre monture M42.

Prototype du Zenit / Source : zenitcamera.com


Les années cinquante seront témoins d'une atmosphère de création très intensive, sur fond de course à la technologie. En ligne de mire, l'exposition universelle de Bruxelles de 1958. Il fallait montrer au monde entier l'avance technologique de l'URSS sur les États-Unis et le bloc occidental. En prévision, on développe beaucoup d'objectifs pour la présentation :

Ceux ayant remporté le "Grand Prix" :
MTO 500mm et 1000mm : Deux objectifs à miroir (ou catadioptriques), technologie que seuls les soviétiques maitrisent à l'époque. Ils auront ensuite un franc succès jusqu'à l'arrivée des objectifs auto-focus, tous les constructeurs y mettront la patte.

MTO-1000 et MTO-500 / Source : photohistory.ru


Tair-3 300mm/4.5 et Tair-11 135mm/2.8 : Une formule de téléobjectif unique qui fait encore aujourd'hui ses preuves.

Tair-11 / Zenitcamera.com


Mir-1 37mm/2.8 : Le premier grand angle rétro-focus soviétique


Mir-1 KMZ de 1958

MR-2 Russar 20mm/5.6 : Une formule mythique inventée par Russinov, beaucoup utilisé dans la photographie aérienne et spatiale.

Russar MR-2 et son viseur / Source : Thierry Hacquard


D'autres objectifs étaient présentés, sans avoir reçu de grand prix :

Helios 40 85mm/1.5, Helios-44 58mm/2, Industar-26m 50mm/2.8, Industar-50 50mm/3.5, Industar-51 210mm/4.5, Orion-15 28mm/6, Merkuriy 50mm/2, TK-115 (Telemar) 115mm/5.6, Jupiter-3, 6, 8, 9, 11, 12 et un mystérieux Jupiter 80mm/2.5 (ЮК). Si certains de ces objectifs sont aujourd'hui très connus, d'autres n'ont jamais été produits en série, comme le Merkuriy, le TK-115 ou le ЮК.

Des appareils photo sont également présentés :

Le Leningrad (GOI), qui reçoit le Grand Prix.

L'Astra, un appareil photo stéréo produit par KMZ équipé de deux Industar-60 35mm/2.8. Il ne sera pas produit en série.

Astra / Source : zenitcamera.com



L'Iskra, un folding 6x6 made in KMZ.

Iskra / Source : photohistory.ru


Le FT-2, un appareil photo panoramique (120° )par KMZ.

FT-2 / Source : photohistory.ru



Le Start (KMZ), appareil reflex 24x36 à baïonnette

Start avec Helios-44 à côté d'un Mir-1 / Souce : photohistory.ru

Le Kadr (KMZ), appareil photo bien mystérieux. C'est un télémètre utilisant un viseur avec cadre interchangeable (50mm/85mm/135mm). Il était équipé, lors de l'exposition, d'un Helios-44 à baïonnette! Les premiers Helios-44 ont été utilisés sur le Start, appareil photo reflex à baïonnette en 1958 justement... Mais le Start était déjà produit en série quand le Kadr a été présenté... Il ne reste aucune photo de cet appareil, seulement des dessins et la plaquette de l'exposition

Plaquette de présentation du Kadr / Source : zenitcamera.com


Le Kometa (KMZ), une révolution pour l'époque, puisqu'il s'agit du premier appareil photo télémètre avec cellule intégrée, couplée aux vitesses et aux diaphragmes de toute la gamme d'objectifs. A l'époque, les Leica M sont couplés aux vitesses seulement, et les Contax IIIa ne sont pas couplés du tout. Il était équipé du Merkuriy 50mm/2. L'appareil rencontre un grand succès. Malheureusement, seulement 2 appareils seront produits...

Kometa / Source : Princelle


Oui, Bruxelles était une vitrine, mais parfois, seulement une vitrine sans arrière boutique!
Même si les appareils les plus prometteurs n'ont jamais été fabriqués en série, il subsiste un bon nombre d'objectifs de très bonne qualités, issus de cette génération "Bruxelle 58", qui ont été produits jusqu'à la fin de l'URSS, et même après (Mir-1 par exemple) ou ayant engrangé une grande lignée. On voit bien ici le paradoxe de l'industrie soviétique : Nombre de ses opticiens et techniciens étaient des génies, mais il était ensuite très difficile de mettre en place une production à long terme, faute de moyen ou de volonté venant de la hiérarchie...


De côté de Kiev, on ne chômait pas, puisqu'ils ont en 1957 sorti le premier moyen format soviétique moderne, le "Salut" 6x6, très(!) fortement inspiré du Hasselblad 1600.

Salut / Source : photohistory.ru


Chez FED, on en est au FED 2.

On fête également en 1957 la création d'une nouvelle usine à Minsk : MMZ. Elle produit le Smena, une petit appareil en plastique bakélite. Viendra ensuite la production du Tchaïka (et son Industar-69) avant de venir épauler la production KMZ pour la grande famille des Zenit (à partir du E).


Les années 60 sont moins intenses en termes de création, mais vienne assoir cette dynamique. On passe avec succès de la monture M39 à M42, avec les objectifs qui suivent (on ajoute un -2 au préfixe, par exemple Helios-44, Helios-44-2).

A partir de 1964 sera produit par KMZ le Zenit-4, un tout nouvel appareil reflex à obturateur central. Il utilise une baïonnette Ц, proche de la monture DKL de chez Voigtlander, avec une toute nouvelle gamme d'objectifs. Il existe également les variantes Zenit-5 et 6. Ils seront tous produits de 1964 à 1968. Un prototype Zenit-D fera son apparition en 1967, avant un Zenit-7, tout deux avec un design très moderne (pour l'époque) et un équipement non moins intéressant (obturateur électronique pour le D, présélection du diaphragme pour le 7...).

Zenit-5 / Source : zenitcamera.com


Zenit-7 / Source : zenitcamera.com


Zenit-D / Source : photohistory.ru



KMZ développe aussi l'appareil photo panoramique "Horizon". Les soviétiques sont les pionniers de l'appareil photo panoramique (ils ont commencé avec le FT-1), et ils ont su développer l'idée, puisqu'un descendant de l'Horizon est toujours produit aujourd'hui (2014) par KMZ.

Horizon original / Source : zenitcamera.com


A Kiev, on essaie de se détacher du Kiev / Contax, en créant en 1967 le Kiev-5, une version améliorée du Kiev-4, avec un nouveau design, une baïonnette modifiée et un tout nouveau télémètre.
Ils développent aussi un nouveau reflex révolutionnaire pour l'époque, le Kiev-10 automat (1964). C'est le premier reflex 24x36 à obturateur focal et objectif interchangeable au monde à posséder une exposition automatique (bon ok, il faut suivre mais c'est le premier!). C'est aussi le premier reflex à posséder un obturateur focal métallique en éventail! (et ça, c'est la classe... n'est-ce pas?)

Kiev-5 et Rekord 52mm/0.8 / Source : Princelle

Kiev-10 / Source : photohistory.ru
Principe de l'obturateur en éventail / Source : photohistory.ru




D] Stagnation technologique (1970 - 1991)

Repères chronologiques :
1979-- L'URSS envahie l'Afghanistan
1982-1985-- Perestroïka
1989-- Retrait des troupes d'Afghanistan (février), chute du mur de Berlin (
1991-- Dissolution de l'URSS

La photographie dans le monde :
1970-- Canon F1
1971-- Nikon F2
1972-- Leica M5
1978-- Canon A1
1983-- Nikon FA

C'est la période, à mon humble avis, la plus morne de l'industrie optique soviétique.
Les facteurs sont multiples. Tout d'abord, la détente avec les USA. Fini la course à l'armement, et donc, à la technologie. De moins de moins de fond ont été alloués à l'industrie optique, et, de toutes façons, les soviétiques avait de moins en moins d'argent pour les acheter. Les années 70 sont en effet les témoins d'une stagnation économique profonde.
A partir de la moité des années 80, la venue de Gorbatchov engendre une tentative de changement radical de l'économie, le nouveau président du parti cherchant à mener l'URSS vers une politique plus libérale, notamment en permettant la propriété privée. Hélas, l'URSS, qui n'était structurellement pas faite pour ce type d'économie, s'effondre.


Les années 70 et 80 voient d'abord une sorte de décentralisation plus importante de la production et de l’innovation. Dans les années 50 et 60, c'est KMZ qui invente et produit le plus. A partir du milieu des années 70, on voit certaines usines, restées jusqu'ici discrètes, qui commencent à calculer et fabriquer elle même des objectifs. On pense notamment à LZOS qui développe le Volna-9 50mm/2.8...

Volna-9


MMZ (devenu BeLomo) commence à "améliorer" le Zenit à sa manière (pas forcément la meilleure), mais aussi le Helios-44, en créant un Helios-44-3 au nouveau design (mais un peu raté, puisque ceux des premières années ont des problèmes de compatibilité avec d'autres boitiers Zenit).

Helios-44-3

Chez KMZ, on note une certaine volonté de créer de nouveaux appareils, qui restèrent au stade de prototype ou de très petite série. On pense au Zenit-16, présentant une coque en matière plastique moulé (c'était à l'époque presque futuriste) et une obturateur à translation verticale qui marchait si mal qu'ils ont rappelé tous les appareils pour les échanger contre des Zenit-VM. La rumeur veut qu'ils aient décidé de tous les détruire (bonne ambiance).
Le Zenit-VM est un Zenit beaucoup plus classique (esthétiquement très proche du Zenit-E), mais il est intéressant de rappeler que c'est le premier Zenit à porter le "M", indiquant que la sélection du diaphragme est automatique. Ainsi, tous les objectifs qui adoptent ce système portent un M, par exemple Helios-44M...

Zenit-16 / Source : photohistory.ru

Niveau objectif, ce n'est pas la catastrophe, mais rien d'extraordinaire. Ils élargissent la gamme de grands angles rétro-focus (Mir-24, Mir-20, Mir-10...), et créent quelques objectifs intéressants, tels que l'Era-6 50mm/1.5, aujourd'hui très rare, car jamais produit en grande série.

A Arsenal, on développe le Kiev-6 sur la base du Pentacon-Six, ainsi que les Kiev 17, 18 et 19 qui optent pour la baïonnette Nikon F.


Kiev-6C / Source : photohistory.ru


Kiev-17 / Source : photohistory.ru

Après l'effondrement de l'URSS, les usines tentent tant bien que mal de subsister. KMZ devient Zenit et semble bien s'en tirer, notamment en produisant des optiques pour Lomography et en continuant la production de certains objectifs (Zenitar Fisheye, Mir-20...)
En 2013, ils ont relancé la production du mythique H-40, en le proposant en monture Canon et Nikon.
Arsenal continue également de produire des moyens formats, avec les objectifs et accessoires qui vont avec.
FED produisait encore des FED 5 dans les années 90, mais je n'ai plus beaucoup de nouvelle...
LZOS semble s'être limité à la production de matériel optique militaire.
BeLomo semble ne fabriquer plus aucun appareil (ils ont eu des problèmes juridiques avec Zenit), mais s'est apparemment allié avec Zeiss pour produire du matériel médical.

Bref, la fin de ce que j'appellerais une belle aventure, dans la douleur parfois, que j'ai voulu retracer ici, partager pour expliquer ainsi le plaisir que j'ai à collectionner ces objectifs. Peu importe le piqué, la qualité du coating ou la résolution en lignes par millimètre, chacun de ces objectifs est une partie de cette histoire, chacun est le témoin d'un effort, d'une réussite ou d'un échec de cette industrie. Posséder un prototype soviétique à la qualité d'image médiocre est infiniment plus intéressant que posséder un Canon série L à la qualité d'image parfaite. Un objectif Canon est un outil de travail pour le photographe, un objectif soviétique est un objet qui, certes, peut faire de très belles photos (si le photographe est bon), mais est surtout le témoin d'une histoire que je trouve passionnante....question de goût.


Sources :



The authentic guide to russian and soviet cameras, Jean-Loup Princelle
photohistory.ru
zenitcamera.com
fotolyap.ru
Thierry Hacquard


Pour tous commentaires, questions ou corrections, vous pouvez me contacter via le formulaire de contact "Contactez-moi".


© Pierre TIZIEN 2014


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